Depuis quelques mois, Apple est aux prises avec le gouvernement américain qui réclame son aide pour accéder aux données complètes de l’un des auteurs de la tuerie de San Bernardino. Ce que les médias appellent désormais « l’affaire de l’iPhone de San Bernardino » fait couler beaucoup d’encre et de salive mais surtout divise la communauté tech. Si certains grands noms de la Silicon Valley tels que Google et Facebook soutiennent la marque à la pomme, d’autres en revanche estiment que Tim Cook devrait coopérer avec le gouvernement. Au delà de ces avis divergents entre géants de la technologie, pour l’observateur Africain, cela remet au goût du jour l’épineux problème de la protection de la vie privée et des libertés individuelles dans l’environnement numérique. Sur le Continent, beaucoup de pays sont à la traîne en matière de régulation et de protection des libertés individuelles dans l’espace numérique.
Les révélations d’Edward Snowden ont définitivement levé le voile sur l’exploitation que les géants tech peuvent faire, et font des données des utilisateurs collectées parfois à leur insu. Si cela a permis de renforcer les mesures de protection prises dans de nombreux pays, force est de constater que de manière générale, le sujet n’est pas encore traité à sa juste mesure dans beaucoup de pays Africains. De nombreuses autorités publiques de protection des données personnelles existent en Afrique, mais dans la pratique, la portée de leur action et influence est assez limitée.
L’histoire retiendra amèrement le cas de la Lybie dont le gouvernement alors sous le règne de Kadhafi a pu avec l’aide de la société d’ingénierie Amesys, filiale du groupe informatique français Bull, mettre sur écoute des millions d’internautes libyens. Face à cette menace, l’on ne peut pas se murer dans une posture « anti-numérique ». Le juste milieu dans notre rapport de dépendance aux outils technologiques et de droits à la vie privée, doit pouvoir nous être fournie par les autorités publiques.
Cependant, et malheureusement, les organes de régulation manquent encore d’indépendance pour atteindre un niveau . Par ailleurs elles semblent hypocritement ignorer la question des libertés individuelles et la nécessité de protéger les données à caractères personnelles tant à l’échelle nationale qu’internationale. Les organisations de la société civile, n’ont pas encore pris le problème à bras le corps, pour exercer la pression nécessaire pour faire bouger les lignes au niveau des pouvoirs publics. Le problème n’est pas qu’Africain. Le web index de la World Wide Web Foundation, indique qu’à ce jour, 84% des pays dans le monde n’ont pas les lois et pratiques nécessaires pour assurer la confidentialité des communications en ligne.
A l’ère du big data, la protection des données personnelles est au cœur de toutes les préoccupations. L’Afrique, qui constitue le plus gros vivier des prochains internautes et mobinautes, est au centre de cette problématique. Pour faire une avancée perceptible sur la problématique, il faudrait oeuvre pour un renforcement de l’autonome des organes de régulation, et moderniser le cadre juridique qui est souvent caduque. Le bras de fer actuel entre Apple (et d’autres géants d’Internet), et le gouvernement fédéral américain, ne sera probablement pas le dernier. Son dénouement fera jurisprudence, et devrait sûrement avoir un écho en Afrique.
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