En Août 2013, lorsqu’il annonçait en grandes pompes le lancement de son projet Internet.Org, Mark Zuckerberg avait provoqué une litanie de réactions allant de l’enthousiasme au scepticisme le plus dur. L’ambition – un peu trop grande – affichée du projet m’avait cependant laissé un tout petit peu perplexe et soupçonneux. Presque deux ans plus tard, il est plus facile de comprendre les contours de ce projet initié par Facebook accompagné de partenaires tels que Samsung, Qualcomm, ou encore Ericsson, pour « connecter » les deux-tiers de la planète qui n’ont pas accès à Internet.
Dans la pratique, Internet.Org s’est surtout matérialisé sous la forme de partenariats avec des opérateurs de téléphonie mobiles dans treize pays – Bangladesh, Colombie, Ghana, Guatemala, Inde, Indonésie, Kenya, Malawi, Pakistan, Philippines, Tanzanie, Zambie, et tout récemment le Sénégal – afin de rendre gratuit l’accès à internet via leur réseau mobile. En d’autres termes, un client d’un des opérateurs mobiles partenaires ne serait plus facturé en accédant à Internet via son mobile. Sauf que voilà, il y a évidemment un prix à payer. En fait, Internet.Org – ou Facebook, plutôt – limite ce à quoi vous avez accès sur Internet.
Dans le cas du Sénégal, par exemple, Internet.Org a eu à collaborer avec l’opérateur Tigo, du groupe suédois Millicom. Les services qui sont gratuitement accessibles – à condition d’être client de Tigo Sénégal – sont très limités. On peut mentionner des sites tels que DakarActu.com, BBCNews, Bing, et… Facebook. Cette limitation imposée par Facebook avait déjà fait grincer des dents – et c’est un euphémisme – lors du lancement d’Internet.Org en Inde, où beaucoup de personnes avaient dénoncé son non-respect du principe de la neutralité du net.
Aujourd’hui, je crois qu’Internet.org, ne connectera en rien le monde, contrairement à ce que son slogan laisse penser. En tout cas pas avec ses partenariats avec les opérateurs mobiles pour rendre le web -une infime partie infime du web, pour être plus précis- accessible gratuitement. Je suis même tenté de croire qu’Internet.Org n’a peut-être pas pour première vocation de « connecter le monde ».
Internet.Org s’adresse finalement à des personnes qui ont déjà accès d’une manière ou d’une autre, à Internet. Dans le cadre de Tigo Sénégal par exemple, tous les utilisateurs qui en bénéficieront sont des personnes qui utilisaient déjà le service d’Internet mobile de Tigo préalablement. Rendre gratuit une partie d’Internet pourrait peut être inciter ces internautes occasionnels à se connecter plus souvent. Mais cela ne résout pas le problème de l’accès à Internet pour les « deux-tiers de la population mondiale » que Facebook prétend vouloir connecter avec Internet.Org.
Ensuite, je ne comprends pas l’intérêt de limiter les sites et services auxquels accèdent les internautes via Internet.Org. « Connecter le monde » signifie donner accès à la totalité du web, et non à une dizaine de sites web partenaires. Cela va à l’encontre même de l’essence d’Internet qui a été pensée pour être un réseau où tout est accessible et se partage. Il n’y a pas un Internet à double face, l’une pour le tiers privilégié, et l’autre pour les deux-tiers désavantagés. L’effort nécessaire et légitime pour démocratiser l’accès à Internet ne devrait pas apporter plus de fractures qu’il n’y a déjà.
Il n’y a pas de formule pour « connecter le monde » différente en fonction de la localisation géographique sur le globe. Il faut des infrastructures, des régulations favorables et promouvant un secteur économique numérique qualitatif et concurrentiel afin de faire baisser les coûts d’accès à Internet, tout en en améliorant la qualité des canaux d’accès. Quant à Internet.Org, sa plus grande victoire sera surtout d’accroître le nombre d’utilisateurs actifs de Facebook dans le monde.
C’est Vendredi, tous les commentaires sont permis. 🙂
KA.
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